mercredi 27 septembre 2017

Surveillance de la correspondance électronique des salariés : un encadrement significatif par la Cour EDH (Réflexions à propos de l’arrêt Barbulescu c. Roumanie)

C’est un message fort qu’a adressé la Cour européenne des droits de l’homme aux entreprises privées, s’agissant de la surveillance qu’elles exercent sur la correspondance électronique de leurs salariés dans son arrêt Barbulescu C. Roumanie rendu le 5 septembre 2017 (req. n° 61496). La solution adoptée est appelée à avoir d’autant plus d’écho qu’elle a été rendue par la grande chambre, sur renvoi de l’affaire, après que la chambre saisie ait abouti, le 12 janvier 2016, à un constat de non violation de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH), relatif à la protection de la vie privée.





   Les faits seraient a priori d’une redoutable banalité (usage à des fins personnelles des moyens de communication électronique mis à la disposition des salariés), s’ils n’avaient entraîné le licenciement du requérant. Celui-ci, M. Barbulescu, ressortissant roumain, était employé par une entreprise privée du 1ier août 2004 au 6 août 2007 en tant qu’ingénieur en charge des ventes, poste pour lequel il ouvrit un compte Yahoo Messenger, afin de communiquer avec ses clients. Le 3 juillet 2007, l’entreprise informa son personnel par note interne qu’une employée venait d’être licenciée pour motif disciplinaire, pour avoir utilisé internet, téléphone et photocopieur à des fins personnelles. Le 13 juillet 2007, M. Barbulescu, convoqué par son employeur, apprit que ses communications sur Yahoo Messenger avaient été surveillées et qu’il était ainsi soupçonné d’utiliser internet à des fins personnelles. L’intéressé nia, par écrit. C’est alors que son entreprise lui fournit la transcription de 45 pages de ses communications, entre le 5 et le 12 juillet, révélant les échanges d’ordre privé, voire intime, avec sa fiancée et son frère. Le requérant fut alors licencié, le 1ier août 2007, pour infraction au règlement intérieur de l’entreprise, qui interdisait l’usage à des fins privées des ressources de celle-ci.

Barbulescu porta l’affaire devant les tribunaux roumains, pour atteinte à son droit à la correspondance, la violation des dispositions de la Constitution et du code pénal entachant, selon lui, de nullité la procédure de licenciement. Toutefois, tant le tribunal départemental de Bucarest que la Cour d’appel rejetèrent tour à tour son recours, estimant que l’entreprise était en droit de fixer des règles quant à l’utilisation d’internet, et que le requérant avait été dûment informé du règlement intérieur de l’entreprise. Le comportement de l’entreprise a ainsi été jugée « raisonnable » et la surveillance de ses communications comme le seul moyen de prouver l’infraction disciplinaire.

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